Le billet-poème au collège…

Voilà…tout est dans un petit sac en papier, la trame de l’intervention est préparée, pas trop de notes pour rester spontané.

TOUS EN ROND AU COEUR DU CDI

La professeur de français arrive. Elle a réservé la salle du CDI pour que le changement de lieu provoque chez les élèves  un intérêt particulier. La documentaliste a préparé les chaises en rond pour la convivialité, et nous sommes entourés de livres. C’est lumineux.

Tout le monde s’installe. Rapide présentation et l’intervention est lancée. Je leur dis bien sûr que je suis venu leur parler de poésie…alors on commence naturellement par la lecture de deux poèmes courts, pour donner le ton, pour mettre les mots à la bouche.

Alors, comme je pioche un poème dans un livre,  on parle en premier lieu de la forme , du livre de poésie. On le nomme : le recueil. Je demande s’ils ont des livres comme celui-ci à la maison, si quelqu’un les lit ? Je fais passer deux recueils sur du beau papier. Comment ça se lit ? La différence avec les autres livres… avec les autres formes d’écritures.

Lecture…écoute attentive…Rimbaud, Fouad el Etr, Gérard Bocholier.

Les doigts se lèvent : « On appelle ça un recueil » « Oui, il y en a à la maison, c’est mon père qui les lit…Quand ? Je ne sais pas ! »  Ils participent, ils ont des idées, ils ont leur avis. C’est comme de la musique disent certains.

Alors tous ensemble on réfléchit à cette différence dans la langue et dans la forme du poème,  souvent limité à une page, on échange sur ce qui caractérise le poème. Les rimes, le sens plus « flou » des phrases, l’assemblage créatif de mots qui sonnent différemment. On parle des thèmes abordés, de l’absence de chapitres, de la forme ‘courte’. On fait le constat qu’un seul poème suffit, qu’il peut être un tout. On observe aussi que le langage poétique permet d’aborder tous les sujets de la vie, des sentiments. Que c’est un territoire à explorer pour eux mêmes quand ils ont besoin de faire sortir avec des mots leurs émotions.

Nouvelle lecture : Zohra Karim. « C’est beau », dit le professeur !

LA PAROLE INTIME

On partage aussi les idées sur les thèmes abordés, sur l’émotion transmise. La parole intime du poète qui parle à l’intimité du lecteur et qui le laisse libre de son interprétation. Des thèmes universels et de cette langue sublimée qui ont permis au poème de traverser les époques.

On fait le constat tous ensemble que ce serait peut-être possible que le poème s’échappe du recueil…on est tout proche…on brûle !

Je peux donc leur parler du billet-poème et le leur montrer. Trois élèves font la lecture de l’Ode « à Cassandre » de RONSARD. Le XVIème siècle a des mots qui ont traversé les siècles pour dire l’amour en 2009 dans une classe de 5ème. Ca marche …

Alors, cette forme ! A quoi ça vous fait penser ?

Et ce papier, comment il est  ? Doux. Tout doux.

Est ce que ça peut être un livre ? Pourquoi ?

Qu’est ce qui définit un livre ?

Alors on s’attarde un peu sur les caractéristiques du livre, les mentions légales, l’ISBN, le prix du livre fixé par l’éditeur. Les élèves prennent quelques notes. Ils sont à la fois un peu  intrigués et participent très volontiers à tous les échanges. Leur professeur m’aide aussi à passer le bâton de parole, appuie sur certains thèmes afin de guider à sa manière, avec délicatesse, les débats.

Je distribue à chacun le billet-poème de Ronsard. Peu de temps pour parler du travail de l’artiste. Je fais passer quelques autres billets-poèmes pour que le papier indéchirable puisse être ‘testé’ ! Poésie de proximité, poésie  à glisser dans la poche. Poésie à partager.

Et puis la récréation sonne déjà !!! Comme le temps passe vite ! L’attention peut encore être maintenue quelques minutes. Ils disent merci. La professeur leur suggère d’offrir à noël le poème qu’ils ont reçu, comme un cadeau plein d’attention.  Je discute encore quelques instants avec la professeur et la responsable du CDI. Elles me rassurent sur le fait que c’était réussi, qu’on aurait pu insister plus sur la langue poétique et moins sur la technicité liée au livre. On parle de recommencer une séance en janvier avec un artiste qui a travaillé sur le billet-poème. Je n’ai  pas pu tout dire ! On dit souvent que c’est bon signe, que ça veut dire qu’on ne s’est pas ennuyé.

En rentrant à la maison, je sifflote, je crois que c’est de la joie…Une belle expérience que de transmettre aux enfants. Ils sont repartis avec une trace de l’intervention. C’est peut être ça le plus magique dans le billet-poème. Cette trace légère, anodine, délicate, mais durable qui repart dans leur poche ou glissée dans le cartable.

Compléments : Textes des poèmes lus en classe

1) SIMPLEMENT de Zohra KARIM

Regarde ! le bonheur est là,

Juste là, à côté de toi.

Attends, ne bouge pas !

Tiens ? Il s’est glissé dans ton sourire,

Maintenant il a coulé dans le bain,

Il va se blottir dans mes bras.

Ho ! le voilà dans le jardin.

Tu sais pourquoi il est là ?

Pour rien, et c’est la meilleure raison qui soit.

Tiré de « Les plus beaux poèmes d’hier et d’aujourd’hui » Editions  Fleurs d’Encre - Hachette Jeunesse sous la Direction de Jacques Chapentreau. Copyright Le rire des poètes – Hachette, 1998.

2) LES ENFANTS DE LA TERRE – de GERARD BOCHOLIER

« S’il vous plaît, disait l’étoile,

Laissez moi briller encore,

Il n’y a que mille siècles

Que j’ai bondi dans un rêve.

Laissez moi bien regarder

Cette planète aux cieux bleus,

Ces beaux enfants de la Terre

Qui ne veulent pas dormir.

Lorsque je me sens trop seule

Dans le noir désert des astres,

J’aime errer sur leur sourire

Et m’apaiser dans leurs yeux. « 

Tiré de »Les plus beaux poèmes d’hier et d’aujourd’hui » Editions  Fleurs d’Encre - Hachette Jeunesse sous la Direction de Jacques Chapentreau. Copyright Poèmes du petit bonheur – Hachette 1992

3) LA VENUE DU JOUR de JEAN PIERRE SIMEON

Soudain le cœur se tait,

la main de pose

dans les maisons

les gens se disent

de graves secrets

l’ombre des arbres

nous ressemble

attentive et muette

Il nous vient un bonheur

du plus loin que nous-mêmes

de chaque pierre

va naître un oiseau

de chaque lampe

un visage un soleil

et dans chaque fenêtre

une aube pour nos yeux

Tiré de « Les plus beaux poèmes d’hier et d’aujourd’hui » Editions  Fleurs d’Encre - Hachette Jeunesse sous la Direction de Jacques Chapentreau.

Copyright  Editions CHEYNE 1987 pour le recueil ‘La nuit respire’